CHAPITRE XX

Un fleuve de lumières bleues et blanches semblait couler à l’extérieur du Faucon, si aveuglant que Han en avait mal aux yeux comme après une cuite au Fogblaster. Debout à l’entrée du cockpit, il hésita, essayant de donner un sens à ce qu’il voyait, à moitié convaincu qu’il s’agissait de l’effluence d’un vaisseau de la taille de l’Étoile Noire.

Si c’était le cas, il savait que Leia et lui finiraient par essayer de le détruire avant qu’il n’anéantisse le monde de Tenel Ka – et aussi comment cela se terminerait. Il était déjà plus âgé qu’Obi-Wan Kenobi ne l’avait été quand il avait donné sa vie à bord de la première Étoile Noire, et au cours de folles missions comme celle-là, n’était-ce pas le sage vieil homme qui y passait le premier ? Si cela devait arriver, Han espérait que ses enfants comprendraient que Leia et lui n’avaient pris aucune part dans la tentative d’assassinat contre Tenel Ka. Mourir, cela ne l’ennuyait pas – mais il ne voulait pas partir en laissant les gens croire qu’il était une sorte de terroriste.

Mais plus il observait le phénomène, plus il réalisait que cela ne pouvait pas être ce qu’il croyait. Il y avait deux parties différentes, l’une large et courbe et en forme d’éventail, l’autre mince, droite et tressée.

Han réalisa enfin ce qu’il voyait.

Rivant un regard noir sur le siège du pilote, qui serait celui de Leia jusqu’à ce que son épaule guérisse, il s’avança.

— Serais-tu en train d’emmener mon vaisseau au cœur d’une comète ?

— Mais, oui, chéri. (Leia croisa son regard dans la verrière, puis lui adressa un rapide haussement de sourcils – sans doute pour lui rappeler qu’ils avaient encore beaucoup à apprendre sur Morwan et les usurpateurs.) Nous avons promis de ramener Dame Morwan auprès de sa Ducha, tu te souviens ?

— Évidemment. (Han lança un coup d’œil à la Hapienne, assise dans le fauteuil du copilote, puis se laissa tomber dans celui du navigateur, derrière son épouse.) Mais personne ne vit sur une comète.

— En fait, un nombre surprenant de créatures vivent sur une comète, intervint C-3PO du poste de communication. Des ermites, des pirates, des fugitifs, des exilés politiques...

— AlGray n’est pas une ermite, grommela Han. Et même si elle l’était, je suis sûr qu’elle possède au moins une douzaine de lunes inhabitées.

— En fait, toutes celles de Réléphon sont habitées, dit Morwan. Mais nous ne devons pas rencontrer la Ducha dans sa résidence.

Han étudia l’écran de navigation et s’avisa qu’ils étaient effectivement loin de Réléphon.

— Le système hapien ? demanda-t-il. Que faisons-nous ici ?

— La réponse est évidente, fit Morwan. Et vous n’auriez pas dû quitter l’infirmerie. Vous avez besoin d’une perfusion pour vous réhydrater. Les brûlures de blaster font perdre une bonne partie de ses fluides à votre système.

— Mes fluides vont bien.

Han pensait savoir ce qu’ils faisaient dans le système de Hapes, et il était quasiment certain que Tenel Ka ne pouvait pas être prête. Elle avait offert une grande partie de la Marine Royale à l’Alliance Galactique, donc elle avait besoin du soutien de tous les nobles restés loyaux – mais pour les réunir, il lui faudrait du temps.

— Et cessez de changer de sujet !

— Parfait, répondit Morwan. Que m’importe votre santé, après tout. Et si la situation vous échappe, regardez par la verrière.

Han plissa les yeux, et quand ils se furent accoutumés à la clarté, il vit un croissant sombre d’espace à tribord, juste devant la brillance bouillonnante de la tête de la comète. Puis il discerna tout près derrière environ soixante-dix minuscules ovales noirs, en formation de losange tridimensionnel, celle communément adoptée pour attaquer les défenses d’une planète.

— Oh, ça, fit Han, essayant de dissimuler combien il était alarmé par la vitesse à laquelle les usurpateurs opéraient. Ma question, c’était : que faisons-nous ici ? Vous ne pouvez pas avoir l’intention de prendre part à cette bataille.

Morwan le fusilla du regard par-dessus son épaule.

— Vous doutez de ma dévotion ?

— Je n’ai rien dit de tel. (Han leva les mains en signe d’apaisement.) Mais le Faucon n’est pas un navire de guerre.

— Je ne serai bientôt plus à bord, et si je ne m’abuse, vous non plus.

— Serait-ce une menace ? demanda-t-il, commençant à s’inquiéter qu’elle ait découvert que Leia et lui étaient des espions. Parce que sinon, vous avez intérêt à m’éclairer vite fait.

— Quand bien même, vous ne seriez pas en condition de faire quoi que ce soit, répondit Morwan. Mais tout ce que je voulais dire, c’est que je serai à bord du Kendall, et vous avec vos amis de Corellia.

— Corellia ?

Han jeta un nouveau coup d’œil à la formation de bataille et réalisa que trois des silhouettes en tête faisaient plusieurs fois la taille des autres.

— Je me demandais justement si ceux-là n’étaient pas nos cuirassés.

Alors qu’il disait cela, Han essaya de croiser le regard de sa femme dans la verrière, mais celui de Leia était absent, comme toujours quand elle regardait dans la Force. Avec un peu de chance, peut-être essayait-elle de contacter Tenel Ka pour l’avertir de ce qui allait arriver.

— Des cuirassés ? répéta Morwan. J’ignore ce qu’ils sont, mais Corellia a promis de nous envoyer une flotte capable de pulvériser les défenses de Hapes.

— Et vous l’avez, l’assura-t-il. Ils passeront plus vite que vous ne vous y attendez. Demain à la même heure, AlGray sera la nouvelle Reine Mère.

— Ce n’est pas pour ça qu’elle a organisé le renversement de Tenel Ka. Elle ne pense qu’à l’indépendance du Consortium.

— Si vous le dites. Ça n’a aucune importance.

Han fit passer l’écran en mode tactique. Aucun des vaisseaux dans la flotte des usurpateurs n’émettait de code, mais l’ordinateur du Faucon avait comparé leur masse et leur dépense d’énergie et en avait conclu qu’il s’agissait de Dragons. Les trois en forme d’œuf – les cuirassés corelliens – étaient marqués INCONNU, mais le programme estimait qu’ils étaient deux fois plus dangereux qu’autant de Destroyers Stellaires de Classe Impériale.

Les cuirassés étaient entourés d’un écran de frégates légères faites pour combattre les chasseurs, et des croiseurs Nova étaient éparpillés au milieu des Dragons de Combat. Après les avoir étudiés un moment, Han s’avisa que ces derniers formaient des groupes à l’intérieur desquels la masse et la dépense d’énergie étaient presque identiques. C’était logique – les nobles maisons formaient chacune une sous-unité de la formation, et leurs vaisseaux avaient des configurations standard.

Han enregistra une capture d’écran et vit l’un des croiseurs Nova arriver pour les intercepter.

— Quelqu’un sait que nous arrivons ? demanda-t-il. Ils nous envoient un comité d’accueil.

— La Ducha AlGray ne s’attend pas à me voir arriver dans... (Morwan marqua une pause, balayant le poste de commande du regard et faisant la moue.) ... un simple cargo.

— Alors peut-être devrions-nous faire faire demi-tour à ce simple cargo, rétorqua Han, se hérissant devant son dédain. Parce qu’ils ne regarderont pas par la fenêtre avant d’ouvrir le feu.

— Ce ne sera pas utile, capitaine Solo, dit-elle. Ouvrez un canal. Je suis sûre que la Ducha ne m’en voudra pas si je romps le silence radio pour éviter de me faire tuer.

— Je suppose, fit Han, se disant que les ondes d’une communication seraient moins évidentes qu’un tir de turbolaser. Vas-y, 3PO.

C-3PO obéit.

— Activez votre micro, Dame Morwan.

Celle-ci vérifia le panneau détaillant le statut de la com – sans doute pour s’assurer qu’elle était sur faisceau étroit – puis fit ce que le droïde avait dit.

— Nova de la Flotte de l’Héritage. Ici Lalu Morwan, une vraie gardienne de l’indépendance hapienne, arrivant à bord du transport alternatif... (Elle baissa les yeux pour voir le code transpondeur qu’ils utilisaient.) Long Tir, Je demande l’autorisation de rejoindre la formation et de monter à bord du Kendall.

— Long Tir, vous êtes reconnue comme l’une de nos camarades gardiennes, répondit le croiseur. Continuez votre approche et attendez les instructions.

Han étudia Morwan, haussant un sourcil.

— Ne dites rien, prévint-elle. J’ai entendu toutes les blagues sur les « Lulu ».

— Han a fréquenté beaucoup de Lulu avant de me rencontrer, dit Leia, enfin revenue de l’endroit où son esprit avait erré. Je crois qu’il est surpris que vous nous ayez donné votre vrai nom.

La Hapienne haussa les épaules.

— Je n’avais pas le choix – Aurra Sing m’a trouvée, n’est-ce pas ?

— Excusez-moi, intervint C-3PO. Nous sommes salués par le Kendall. Dois-je vous le passer ?

— Bien sûr ! répondit Morwan.

C-3PO enfonça une touche, et une voix féminine devant appartenir à une femme d’âge moyen se fit entendre dans les haut-parleurs du cockpit.

— Vous êtes en retard !

— Veuillez m’excuser. Ici Lalu, votre camarade gardienne.

— Oui, oui, nous sommes toutes deux de vraies gardiennes de l’indépendance hapienne, fit AlGray, apparemment agacée de devoir utiliser la phrase de reconnaissance. Maintenant dites-moi pourquoi vous êtes en retard – et ce que vous faites à bord de cette épave.

Han fronça les sourcils et il aurait objecté, mais il était occupé à nommer « Kendall » le Dragon d’où le signal venait.

— Il s’agit du Faucon Millenium, expliqua Morwan. J’ai été obligée de céder mon yacht à... notre agent, et la Princesse Leia a été assez aimable pour me conduire jusqu’ici.

AlGray ne répondit pas tout de suite. Han enregistra une autre capture d’écran de son moniteur, celle-ci marquant la position du Kendall et montrant qu’il était le vaisseau amiral. Il pouvait presque entendre la noble Hapienne se demander si son plan avait été éventé. Mais la triste vérité, c’était que Leia et lui n’avaient pu fournir que de maigres informations à Tenel Ka.

AlGray sembla arriver à la même conclusion.

— Comment est-ce arrivé ?

— C’est une longue histoire, étant donné les restrictions sur les communications, répondit prudemment Morwan. Je vous dirai tout quand je serai à bord.

— Vous restez où vous êtes. La Flotte de l’Héritage se prépare à faire le saut avant l’attaque. Rejoignez la queue de la formation. Vous vous expliquerez après la bataille.

— Après ? s’écria Morwan, visiblement mécontente de devoir participer à un combat spatial majeur à bord du Faucon. Ducha ?

— J’ai peur que le Kendall n’ait coupé, dit C-3PO. Dois-je essayer de rétablir le contact ?

— Certainement pas. (Morwan se tourna vers Leia.) Princesse Leia, je déteste devoir vous demander ça, mais les ordres de la Ducha sont clairs.

— Nous obéirons, bien sûr, répondit Leia, commençant à exécuter la manœuvre. Nous sommes habitués à ne pas nous faire remarquer au cours de grandes batailles comme celle qui se prépare.

Alors qu’elle parlait, l’ordinateur de navigation bipa, annonçant qu’il avait reçu les coordonnées. Un instant plus tard, la flotte des usurpateurs – Han se refusait à l’appeler autrement – commença à accélérer sous la tête de la comète.

Pendant que Leia rejoignait la formation, Han calcula leur saut – il prit le temps de vérifier le cycle de rotation de Hapes pour définir l’endroit où la flotte sortirait de l’hyperespace au-dessus de la planète. Il s’assura de ses réponses, puis il les copia, ainsi que les deux captures d’écran, dans un dossier. Celui-ci n’était pas très détaillé, mais c’était ce qu’il pouvait faire de mieux étant donné les circonstances.

Le Faucon passa sous la comète et continua sur sa lancée. Un instant plus tard, la verrière s’éclaircit un peu, révélant les centaines de cercles bleutés d’autant de moteurs à ions éparpillés devant eux sur le velours noir de l’espace. Ils accéléraient vers la minuscule boule blanche qui était le soleil hapien, pourtant ils étaient de plus en plus gros vus du Faucon, qui les rattrapait.

— Zut ! s’écria Han, qui avait besoin d’une excuse pour que Leia reste en arrière une ou deux secondes quand la flotte des usurpateurs effectuerait son saut. La parabole est encore coincée. Dame Morwan, pourriez-vous couper les détecteurs juste avant que nous sautions ?

— Si nous faisons ça, nous ne saurons pas où est le reste de la flotte !

— Il suffira que Leia passe en hyperespace après tous les autres, répondit-il. Et si vous réenclenchez tout à l’arrivée, nous ne serons aveugles que quinze ou vingt secondes.

— Vingt ? glapit C-3PO. Quatre-vingt-sept pour cent des accidents se produisant au cours de la manœuvre d’une flotte surviennent pendant les dix premières !

— Il vaut mieux avant que pendant la bataille, dit Leia, jouant le jeu. Il n’y a rien à craindre, C-3PO. La Force est avec moi, tu sais.

— Bien sûr – pardonnez-moi d’avoir douté de vous. Il est impossible de donner un coefficient de sécurité à la Force, mais je dirais qu’il est plus sûr de voler en aveugle avec vous qu’avec le capitaine Solo aidé de tous ses instruments.

Han aurait volontiers rappelé au droïde qu’il ne les avait pas encore tués, mais les cercles bleus ne se rapprochaient plus si vite, Leia calquant leur vitesse sur celle de la flotte. Il formata rapidement son dossier pour l’envoyer, puis il regarda le Faucon se positionner à l’arrière de la formation.

Enfin, la voix d’un chef de manœuvre se fit entendre.

— Saut à trois.

Leia se tint prête, et Dame Morwan aussi.

— Deux.

Han se tourna vers C-3PO et porta un index à ses lèvres pour lui intimer le silence, puis il poussa leur transmission à fond et choisit un canal général.

— Prêt !

Il y eut un immense flash bleu quand la flotte des usurpateurs atteignit la vitesse de saut.

— Désactivez les détecteurs ! ordonna Leia.

Morwan obéit, utilisant ses deux mains, et l’espace devint de nouveau noir quand les vaisseaux disparurent.

Han appuya sur le bouton de transmission.

Leia attendit une seconde, puis elle poussa les gaz à fond et activa l’hyperdrive. Les étoiles s’étirèrent, formant une toile bleu nacré.

Han remit tout en position et vit que C-3PO le regardait, la tête inclinée sur le côté.

— Ce n’était pas la peine de le faire vous-même. Je suis parfaitement capable de...

— Ton timing n’est pas bon, coupa Han, craignant que le droïde ne parle du message. Et je ne veux pas entendre un mot de plus à ce sujet.

— Mon timing est excellent ! protesta C-3PO. Ma vitesse de réaction et de moins de deux centièmes de seconde, infiniment meilleure que la vôtre.

— Han veut dire que c’est une question de jugement, intervint Leia. Il y avait trop de variables à définir dans le temps imparti.

— Oh, je vois, répondit C-3PO, calmé. Le capitaine Solo a encore des problèmes à s’exprimer.

— Je vais déconnecter tes circuits, fit Han. Est-ce suffisamment clair pour toi ?

— Ce n’est vraiment pas nécessaire. (C-3PO se réfugia à l’autre bout du cockpit.) Si vous voulez que je me taise, il vous suffit de me le dire.

Morwan se retourna sur son siège.

— Te taire à quel propos, C-3PO ?

Celui-ci jeta un bref coup d’œil à Han.

— Je ne peux pas vous le dire, Dame Morwan.

  3PO n’est pas autorisé à divulguer les petits trucs à connaître pour manier le Faucon, mentit Leia. (Elle gardait les yeux rivés aux contrôles, comptant les secondes à rebours jusqu’à leur sortie d’hyperespace.) C’est un protocole de sécurité standard.

— Mais il n’y a rien là de très secret, ajouta vivement Han. L’antenne de la com se rétracte quand la parabole des détecteurs s’inverse pour le saut. Et puisque celle-ci était coincée...

— Vous l’avez rentrée manuellement, termina Morwan. (Elle étudia C-3PO comme si elle pouvait lire la vérité sur son faciès inexpressif puis hocha la tête.) Bien sûr.

Elle se tourna de nouveau vers les barrettes coulissantes des détecteurs, laissant Han se demander à quel point tout cela avait éveillé ses soupçons. Si elle ne croyait pas que Leia et lui étaient des espions avant la gaffe de C-3PO, désormais elle avait sans doute l’ombre d’un soupçon.

L’alarme de réversion tinta, et l’instant suivant, le voile gris de l’hyperespace explosa dans un mur d’énergie écarlate. Les haut-parleurs du cockpit crachotèrent et des voix alarmées et des bruits d’explosions envahirent le poste de pilotage. Puis le poing invisible d’un coup de turbolaser frôla les boucliers du Faucon, le secouant si violemment que C-3PO atterrit sur le dos.

— Nous sommes touchés ! cria-t-il. Dois-je activer la sirène d’abandon du vaisseau ?

— Non ! cria Han. Ce n’était rien.

Il jeta un coup d’œil au panneau indiquant les dommages par-dessus l’épaule de Leia et s’avisa qu’il n’avait raison qu’en partie. La soute avant s’était scellée pour cause de dépressurisation, et une conduite de liquide de refroidissement était rompue quelque part dans le tunnel d’ingénierie. Mais Han pensait qu’ils pourraient tenir jusqu’à la fin des combats – à condition de ne plus être touchés.

— Ne refaisons plus jamais ça, murmura-t-il à l’oreille de Leia. Nous ne voudrions pas faire peur au droïde.

Une frappe de turbolaser passa cent mètres sous le ventre du Faucon, et Han fut projeté en avant contre son harnais. Cela déchaîna toute une série d’alarmes.

C-3PO émit un couinement surpris et passa les bras autour du fauteuil du poste de communication. Puis Leia les jeta dans une spirale serrée, et même Han haleta, alarmé. Cela le démangeait de prendre le manche – mais avec une seule main, c’aurait été pure folie. Un barrage écarlate entra en éruption devant eux et commença à avancer vers le cargo.

— Plonge ! cria Han à Leia, tirant sur les ceintures qui le maintenaient sur son siège. Passe en dessous !

— C’est ce que je fais, répondit-elle, car elle était déjà à fond.

Elle réussit la manœuvre, mais le cargo fut méchamment malmené. C-3PO retomba, et une douleur vive traversa l’épaule blessée de Han.

Un disque de feu apparut, toujours plus vaste, se transformant en une boule de métal à moitié fondu, vestige de la soucoupe supérieure d’un Dragon. Des capsules s’éjectaient du vaisseau, telles des étoiles filantes, et des flammes jaillissaient ici et là par des brèches dans sa coque.

— Remonte ! cria Han.

Le nez du Faucon pointait déjà vers le haut, Leia n’ayant pas attendu ses conseils.

— J’essaie ! fit-elle, alors que le vaisseau hapien passait sous le Faucon.

Ils passaient si près de la coque en fusion que la température commença à grimper dans le cockpit.

— Mets les gaz ! ordonna Han. Sors-nous de là !

Leia avait déjà les moteurs à fond et frôlant le surrégime. Le cargo bondit hors de danger... et tomba sur un croiseur Nova droit devant, lequel s’ouvrait en deux le long de son épine dorsale, envoyant toutes sortes de débris et des nuages de fumée noire dans l’espace alentour.

— À gauche ! brailla Han une demi-seconde avant que la passerelle du croiseur explose en une gerbe de shrapnels brûlants. Attends, plonge !

Les canons du croiseur Nova se mirent à tirer au hasard, transperçant le vide autour de lui de traits colorés et de flammes.

— Non, va...

— Capitaine Solo ! rugit Morwan, qui serrait les accoudoirs de son fauteuil. Cessez immédiatement et laissez-la piloter ! Vous voulez tous nous faire tuer ?

Han se hérissa – puis il réalisa qu’elle avait raison et commença à se sentir un peu honteux.

— Avec Leia aux commandes ? répondit-il crânement. Impossible ! Je suis un trop bon professeur.

— Ne te... vante pas ! dit Leia entre ses dents serrées. Tu vas nous porter la poisse.

Elle fit pivoter le Faucon d’un quart de tour et continua dans la seule direction qui s’offrait à elle – droit entre les deux parties du Nova. L’ouverture disparut derrière un nuage d’atmosphère gelée. Des choses noires et floues passèrent, trop vite pour être identifiées, et l’alarme d’impact se mit à résonner en continu.

— J’espère que les boucliers à particules ne vont pas nous lâcher maintenant, dit C-3PO, se redressant sur les genoux. Si l’un de ses corps gelés nous percutait, il pourrait causer une brèche dans la coque !

Ils émergèrent dans une zone relativement calme derrière les carcasses de deux Dragons. Le gros de la flotte était à peine visible, champ de cercles bleutés échangeant des rayons colorés avec des « ennemis » invisibles.

Han poussa un soupir de soulagement.

— Vous voyez ? Il était inutile de s’inquiéter.

— Inutile de s’inquiéter ? (Morwan lâcha les accoudoirs et tourna vers lui un regard noir et accusateur.) Nous sommes tombés dans une embuscade ! La Marine Royale nous attendait !

Il croisa son regard comme il l’aurait fait avec un adversaire au sabacc.

— Oui, on aurait dit qu’ils connaissaient nos coordonnées exactes. Je me demande ce qui s’est passé.

Elle plissa les yeux.

— Moi aussi, capitaine Solo.

Ils dépassèrent les vaisseaux anéantis et la verrière du Faucon s’obscurcit quand des tirs de turbolasers fleurirent droit devant.

— Navrée de vous interrompre, dit Leia, toujours parfaite dans ce genre de situation. Mais j’ai besoin des écrans tactiques. Même une Jedi ne peut pas voir à travers ces feux croisés.

Le regard soupçonneux de Morwan se fit apeuré.

— J’essaie. Mais je n’obtiens que de la neige.

— C’est à cause des turbolasers, expliqua C-3PO, derrière elle. Vous devez mettre les filtres.

— Les filtres ? fit-elle, perplexe. Comment ?

— Et vous prétendez être pilote ! grommela Han. Comment avez-vous trouvé la Station Telkur ?

— Je volais à bord d’un Skiff Batag, répondit Morwan, comme si cela expliquait tout. Les détecteurs ont des filtres automatiques.

— Des filtres automatiques ? (Han secoua la tête.) Que vont-ils encore inventer ? Les sièges chauffants et les distributeurs de caf intégrés au cockpit ?

Il se détacha et alla se placer entre les sièges du pilote et du copilote. Puis il se pencha devant Morwan et activa les filtres de décharge électromagnétique.

— Ils vont des ondes radio aux rayons gamma, dit-il. Il suffit d’actionner les poussoirs.

Il lui fit une démonstration, et une image nette apparut. La flotte des usurpateurs était en plus mauvaise position qu’il ne l’avait cru, avec d’immenses trous dans sa formation. Un quart de la Marine Royale tirait sur le Kendall.

— On dirait que vous avez eu du bol de rester avec nous, dit-il à la Hapienne, retirant ses mains des contrôles. Le navire amiral d’AlGray est plutôt malmené.

— Oui. (Morwan lui prit le bras et le tint devant elle.) Et je crois que nous savons tous les deux pourquoi.

Quelque chose lui rentra dans les côtes. Han baissa les yeux et vit que c’était le canon d’un petit blaster.

— Vous croyez que j’ai quelque chose à voir avec ça ? (La colère dans la voix de Han n’était pas feinte – et principalement dirigé contre lui-même de s’être laissé avoir.) De toutes les femelles hutts ingrates...

— Bouclez-la, Solo ! Vous ne voulez vraiment pas m’échauffer les tuyères plus que vous ne l’avez déjà fait. Je suis déjà assez furieuse de m’être laissée avoir par vous deux.

— Comment ça ? demanda Leia. (Le Faucon décéléra alors qu’elle tournait le dos à la bataille.) Si j’étais vous, je serais prudente avec ce blaster. Je n’aime pas du tout qu’on tire sur mon époux.

— Et vous n’avez pas envie de voir Leia se mettre en rogne, ajouta Han, faisant de son mieux pour garder son corps devant le visage de Morwan. (Dès que Leia avait parlé de tirer, il avait vu C-3PO se faufiler vers l’arrière pour aller chercher Cakhmaim et Meewalh.) Depuis qu’elle est devenue une Jedi, toutes sortes de choses vous foncent dessus de toutes les directions.

— Ça ne devrait pas être un problème, capitaine Solo. Votre sort est entre les mains de la Princesse. Je ne vous trouerai pas la peau si elle fait demi-tour et retourne vers les combats.

— Pour quoi faire ? demanda Leia.

— Parce qu’elle ne veut pas que ça ait l’air suspicieux quand nous enverrons un autre message à Tenel Ka, dit Han, étudiant l’écran tactique.

Protégés par leurs puissants boucliers et leurs coques multicouches, deux cuirassés corelliens continuaient à pousser en avant avec ce qu’il restait de la flotte des usurpateurs.

— Elle veut dire à Tenel Ka de resserrer les rangs et de tenir sa position.

Leia resta silencieuse un instant, observant ses propres écrans, et la colère de Han céda la place à d’autres émotions. Sachant que sa femme sentirait cela, il espéra qu’elle réalisait qu’il avait peur pour Tenel Ka. La dernière chose qu’il voulait, c’était qu’elle croit qu’un petit blaster pouvait l’effrayer.

Au bout d’un moment, Leia demanda :

— Tu crois que les cuirassés peuvent passer ?

Han hocha la tête.

— Ils ont été conçus pour ça – pénétrer une flotte ennemie et l’anéantir de l’intérieur. Et si cette stratégie fonctionne. ...

— ... ils chercheront à abattre Tenel Ka, termina Leia. Et alors, ça n’aura pas d’importance s’ils remportent ou non cette mêlée navires contre navires. S’ils tuent Tenel Ka, la monarchie sera anéantie.

— Et le Conseil de l’Héritage sera en position de rassembler le Consortium, dit Morwan. Vous êtes très forte, Princesse.

C-3PO avait atteint le fond de la cabine et se glissait dans le couloir.

Morwan continua de l’ignorer.

— Nous n’avons plus beaucoup de temps. Allez-vous faire demi-tour gentiment... ou dois-je tirer sur votre homme ?

— Hum, fit Leia. C’est une décision difficile. D’un côté, j’hériterais de ce vieux transport...

— De ce transport classique, corrigea Han. L’YT-Treize Cent est l’un des plus inestimables...

— Cessez de gagner du temps ! ordonna Morwan. Faites demi-tour ou j’appuie sur la gâchette.

Leia soupira et commença à virer sur l’aile.

— Leia ! protesta Han, dont la peur cédait devant la gêne – croyait-elle vraiment qu’il voulait qu’elle risque la vie de Tenel Ka pour le sauver ? Les traîtres ont un espion !

— Tout va bien, Han, dit-elle. J’ai le sentiment que ça ne changera rien, de toute manière.

— Bien sûr que si ! objecta-t-il. Ils sauront dans quel vaisseau se trouve Tenel Ka...

— Assez, capitaine Solo ! (Morwan lui enfonça le blaster plus fort dans les côtes.) Avec une Jedi et deux Noghri à bord, je sais que je ne m’en sortirai pas vivante. Alors avant de partir, je n’hésiterai pas à débarrasser la galaxie d’un autre parasite de l’Alliance !

— Parasite de l’Alliance ? répéta Han, poussant son bras en avant dans l’attelle. Pas la peine de m’insulter !

Il referma la main sur le blaster de Morwan. Alors qu’il le poussait, elle tira une série de coups qui lui traversèrent la paume et allèrent ricocher sur les instruments.

— Han, non ! hurla Leia.

Mais il flanquait déjà un coup de coude à Morwan, en plein dans le nez. Il sentit le cartilage céder et l’entendit crier, mais elle ne lâcha pas son arme et continua de faire feu. Alors, il recommença.

La Hapienne lui céda le blaster et leva les bras pour se protéger. Han recula, passant le pistolet dans sa main valide – et rugit de douleur quand il s’avisa combien celle-ci était douloureuse.

— Han ! (Leia le poussa gentiment vers son siège pour que le sabre laser dans sa main ait le champ libre vers la tête de Morwan.) Que fais-tu ?

— À ton avis ? (Il pointa l’arme sur la Hapienne, qui se tenait le visage à deux mains en grognant, du sang coulant entre ses doigts.) Je reprends le contrôle de mon vaisseau.

— Je pense que tu te fais encore tirer dessus pour rien. (Leia posa son sabre laser sur ses genoux, puis ordonna :) Tiens-la en joue jusqu’à ce que les Noghri arrivent.

Han se laissa tomber dans le fauteuil du navigateur.

— Comment ça, pour rien ? (Un nuage de fumée grise montait du tableau de bord par une demi-douzaine de trous.) Elle allait me tuer.

— Je ne crois pas. Elle n’avait aucune raison de le faire.

Han vit qu’ils retournaient vers les combats.

— Ne me dis pas que tu vas envoyer ce message !

— C’est ce que je suis en train de faire.

Même Morwan en fut surprise.

— Vraiment ? (Sa voix était étouffée et nasillarde.) Pourquoi ?

— Aucune importance, dit Leia. (Elle inclina la tête, regardant dans la verrière, puis projeta sa voix pour être entendue dans le corridor d’accès.) Tout va bien, Cakhmaim !

À peine eut-elle prononcé ces paroles que Cakhmaim et Meewalh déboulèrent dans le poste de pilotage, le premier armé d’une faux et l’autre d’un filet de capture. Quand ils virent Han assis et en possession du blaster, et Morwan penchée en avant et la tête dans les mains, leurs faciès de sauriens trahirent leur déception.

— Ne vous en faites pas les gars, vous avez le droit de la boucler, dit Han, leur faisant signe d’emmener la prisonnière. Et utilisez les menottes paralysantes.

— Après avoir soigné son nez, précisa Leia. Nous ne voulons pas qu’elle s’étouffe avec son propre sang.

Han baissa les yeux sur les brûlures qui sillonnaient sa paume.

— Parle pour toi !

— Han !

Il haussa les épaules.

— C’est toi qui me dis toujours d’être honnête concernant mes sentiments. (Il attendit que les Noghri aient disparu avec leur captive, puis il demanda :) Tu n’étais pas sérieuse au sujet du message, hein ?

— Si – et nous devons le faire maintenant. (Leia montra de la tête l’écran tactique, où les vaisseaux de Tenel Ka étaient en train de prendre position pour une mêlée générale.) Ouvre un canal.

Han essaya de discerner ce qu’elle voyait, mais il fut distrait par des points clignotants.

— Maudite bonne femme ! Elle a touché quelque chose.

— Raison de plus pour envoyer notre message tout de suite, Han, insista Leia. Tenel Ka ne peut pas laisser la bataille dégénérer ainsi ou l’Alliance ne pourra pas refermer son piège.

— Un piège ?

Quelque chose claqua, puis grésilla, et de la fumée monta d’un point d’impact dans la station du copilote. Han jura et, ignorant les éclaboussures de sang, se glissa à cette place. L’écran tactique n’était pas meilleur que celui qu’il venait de quitter des yeux, mais assez bon pour lui confirmer qu’il n’y avait pas de Flotte de l’Alliance.

— Je ne vois rien.

Leia garda le silence un moment, puis elle dit :

— Écoute, Han, si tu ne peux pas le faire, dis-le.

— Faire quoi ? demanda-t-il, confus.

— Je comprends, tu sais.

— Parfait, fit Han. Parce que tu es la seule.

Leia baissa le menton et lui coula l’un de ses regards qui faisaient tellement partie d’elle – je sais que tu mens, disait celui-là.

— Leia, de quoi parles-tu ?

— Dès que tu auras envoyé ce message, nos noms seront pires que de la crotte de Hutt sur Corellia, répondit-elle. Gejjen saura que nous travaillons contre eux, et tu seras considéré comme un traître.

Ses paroles frappèrent Han comme un coup, et il réalisa qu’elle avait raison. S’ils aidaient Tenel Ka, ça ne pouvait être qu’à découvert, et le Haut Commandement Corellien – Wedge, Gejjen et les autres – saurait qu’il avait préféré Hapes à son monde natal.

Mais comment Han aurait-il pu ne pas choisir Tenel Ka ? Corellia avait tort d’essayer d’assassiner un chef d’État et de provoquer une guerre pour être en meilleure position pour négocier – en essayant de plonger soixante-trois mondes dans une immense guerre civile qui ravalerait le conflit corellien au rang d’escarmouche.

— Leia, ma réputation n’a pas d’importance, dit-il enfin. Ma conscience, oui.

Elle sourit, soulagée.

— Je suis si contente. C’est ce que je pensais, mais je ne voulais pas prendre la décision à ta place.

— Génial, j’apprécie vraiment. Mais je ne comprends toujours pas de quoi tu parles.

— Je t’ai dit que j’avais un sentiment – c’était juste avant que tu n’attrapes le blaster de Morwan.

Han fronça les sourcils, se souvenant des paroles de Leia.

— Oh, ce genre-là ! Pourquoi n’en as-tu rien dit ?

Elle leva les yeux au ciel.

— Que pouvais-je ajouter ? Fais-moi confiance ?

— Je suppose que non, admit Han. (Il se sentait un peu idiot de n’avoir pas compris, mais d’un autre côté, il ne pouvait pas lire l’esprit de sa femme en permanence – il n’était pas un Jedi, après tout.) Mais écoute, je ne peux pas dire : Tiens bon, petite – les Solo arrivent à la rescousse. Dis-m’en plus.

Leia secoua la tête.

— Je ne sais pas exactement. Quand nous étions sous la comète, j’ai senti qu’on nous observait.

Il se souvint de son expression distante, mais il avait pensé qu’elle essayait d’alerter Tenel Ka.

— Un Jedi ?

— Je crois que c’était Tesar, acquiesça-t-elle. Mais il m’a fermé son esprit très vite.

Han plissa le front de concentration.

— Et puisque tu as senti Jaina dans les Kiris...

— Exactement, dit Leia. Il y a de fortes chances pour que ceux qui surveillaient la Flotte kiris...

— ... l’aient suivie ici.

Han choisit un canal ouvert, car ils n’avaient pas les codes ou les fréquences pour contacter directement la Flotte de Tenel Ka. Une autre volute de fumée monta, cette fois des contrôles des boucliers, et quand il essaya de les ajuster, cela ne changea rien.

— Euh, avant que j’envoie ce message, je crois qu’il vaudrait mieux que tu te mettes en transe Jedi de pilotage ou quelque chose...

— Han, je serai ouverte à la Force, répondit Leia. Mais ce dont tu me parles n’existe pas.

— Dommage, parce que nos boucliers sont HS. (Il la regarda et lui envoya un baiser avant d’activer le micro et de commencer à émettre.) Ce message est pour la Reine Mère Tenel Ka. Écoute, petite, j’ai un truc important à te dire...